Gérer au mieux son e-réputation

Publié le 1 juin 2011 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h43

Emmanuel Mayega


Le fort développement multicanal des assureurs les expose en première ligne aux commentaires des internautes "consomm'acteurs", susceptibles de peser - en bien comme en mal - sur leur notoriété. Les stratégies de défense et de riposte se mettent en place ; une opportunité pour plus d'un acteur.

Le consomm'acteur y est pour beaucoup. Présent sur la Toile, derrière la figure de l'internaute, le chaland prend l'habitude de scruter les points de vue de ses alter ego avant d'acheter. Selon des données désormais notoires, 75% des utilisateurs du web 2.0 se livrent à cœur joie à cette pratique. 55% ont déjà laissé leur avis sur des marques ou sociétés dont ils sont clients. Et 44% déclarent avoir fait l'économie d'un achat du fait d'un avis négatif lu sur le web. De quoi révulser tout fournisseur, qu'il soit d'automobile ou de produits d'assurance. Clairement, ces opinions façonnent la réputation des entreprises sur le net. Leur e-réputation, dirons-nous, aujourd'hui. Signe des temps et de son envergure, elle fait désormais l'objet d'un baromètre. Y compris chez les assureurs. L'an dernier, Molitor Consult et Activis en dévoilaient un : « A travers le lancement de cet indicateur, notre ambition est de pousser et d'accompagner les assureurs dans le processus de maîtrise et de valorisation de l'e-réputation », développe Jean-Luc Gambey, PDG de Molitor Consult. En attendant, l'indice a parlé, sur la base de trois critères : la visibilité, la tonalité et la pertinence des messages. Résultat : la Matmut s'est illustrée comme la plus aguerrie, suivie de Groupama, d'Axa et de Swiss Life.

Ces résultats viennent souligner l'intérêt du secteur dans un domaine en devenir, celui de la réputation sur le web 2.0. Les assureurs y viennent progressivement créant une demande de plus en plus forte à laquelle de nouveaux acteurs tentent de répondre. « Nous recevons de nombreuses offres de services liées à l'e-réputation : de la veille à la stratégie de conseil. Ce qui montre l'émergence d'un nouveau besoin pour les entreprises », indique Marie-Christine Fontaine, social media manager d'Axa France. Comment les utilisateurs se comportent-ils sur le terrain ?

À l'assaut des forums

Hier, la communication était unilatérale, de l'assureur vers l'assuré. Désormais, ce n'est plus le cas, le premier pouvant perdre le contrôle de sa marque du fait de l'entrée en scène du second. Face à cela, tous s'activent. Chez Pacifica, l'intérêt pour l'e-réputation va croissant, même si ce phénomène reste pour l'heure réduit dans l'assurance, comparé au monde bancaire qui a beaucoup souffert du fait de la dernière crise financière en date. Le bancassureur déploie ainsi une batterie de mesures pour soigner son image sur les réseaux sociaux (lire ci-contre).

Du côté des mutuelles d'assurance - réputées naturellement proches de leurs adhérents -, l'e-réputation est également suivie avec beaucoup d'attention par plus d'un acteur. Certains ont d'ailleurs amorcé une démarche en la matière longtemps avant les grandes compagnies d'assurance. Ainsi, la MACSF ausculte la Toile depuis 2004 afin « de mettre en évidence la manière dont son image y est traitée et d'apporter des réponses aux communautés », indique Anne Clerval, directrice de la communication commerciale et internet. Assureur des professionnels de santé, elle surveille de près les forums de cette population. Objectif : intervenir dans les conversations pouvant mettre à mal sa réputation. Quand c'est le cas, elle participe à visage découvert à la discussion, par exemple. L'arrêt Perruche constitue un cas d'illustration concret de la politique de l'e-réputation de la MACSF sur le net. Dès la publication de la décision de la Cour de cassation et les rumeurs sur une éventuelle augmentation des tarifs de l'assureur, celui-ci avait réagi pour arrêter le départ de feu. « Nous avons dû publier notre avis sur les gynéco-obstétriques avant même la parution des journaux. Cela nous a permis de fixer notre point de vue dans l'opinion », indique Anne Clerval. Moralité de cette réaction, la transparence paie dans le management de l'e-réputation.

Parallèlement à cette vigilance, la MACSF met l'accent sur le recueil des opinions des internautes, au point de les canaliser quand cela est nécessaire. L'ouverture des espaces de dialogues sur ses différents sites participe de cette stratégie. Désormais, tous les espaces web et l'ensemble des produits de cet assureur mutualiste peuvent être commentés en ligne. Résultat : il a constaté une forte chute de commentaires se rapportant à son activité sur les sites de consommateurs. En fait, en apportant des réponses concrètes et satisfaisantes aux questions des internautes déposées dans ses espaces de dialogues, son community manager se charge de désamorcer d'éventuelles velléités des sociétaires à s'épancher dans les forums publics.

Autre solution proactive et offensive, l'organisation et l'animation d'un forum juridique avec des infirmiers sur le net. Une démarche permettant de développer la notoriété de la MACSF auprès de sa cible.

Du reste, la page Facebook du groupe est gérée par le community manager, avec une règle : la mise au point de réponses personnalisées. Rien ne serait pire qu'un retour industriel et préformaté à l'internaute qui pourrait alors s'en rendre compte et amorcer une action de dénigrement à l'encontre de cette mutuelle.

Un levier de fidélisation

Les groupes paritaires sont également de la partie et adoptent une logique communautaire (lire encadré p. 96). Chacun reste toutefois vigilant sur l'image de ses institutions. Ainsi, le groupe Novalis Taitbout a mis en place une structure de veille interne dont l'une des missions consiste à identifier les insatisfactions de ses clients et à alerter la direction de la relation client sen cas de besoin. Si Philippe Carteret, directeur de la communication, précise que « cette démarche s'inscrit davantage dans une dynamique défensive », il souligne l'importance « d'utiliser la sphère numérique comme un vecteur d'information, de pédagogie, mais aussi d'influence ». Car, parallèlement, le dispositif vise également à exploiter l'e-réputation en tant que levier de recrutement et de fidélisation de nouveaux assurés.

Compagnie d'assurance venant de marquer son centenaire, le groupe Prévoir est à son tour confronté à la nécessité de veiller à son e-réputation. « Pendant longtemps, notre modèle de recrutement de nouveaux clients était fondé sur la cooptation. En renforçant notre visibilité à travers les médias et internet, nous devons prêter une attention croissante à notre e-réputation », indique Brigitte Diaz, responsable communication. Comment y faire face ? « Nous avons réuni les personnes concernées pour établir la marche à suivre », explique Jean-René Becker, chef de projets internet. Le groupe de travail transversal, représentant six directions, a décidé de mener une veille sur la Toile, via Google et d'autres outils gratuits, dans un premier temps. Au quotidien, l'équipe analyse les alertes remontées par e-mail, entre 3 et 10 par jour. Après une étude au cas par cas, plusieurs réactions peuvent être envisagées parmi lesquelles l'intervention du service clients pour tenter de cerner les motifs d'insatisfaction du client et y remédier. Progressivement, l'assureur va diffuser de plus en plus de contenu sur le web, « ce qui permettra d'occuper le terrain tout en apportant des réponses aux interrogations des internautes », précise Delphine Golkar, chargée de projets multimédias.

Des outils appropriés

Par ailleurs, le cas d'Europ assistance vient illustrer la place de l'e-réputation au sein de son champ d'intervention. « Notre activité nous expose depuis longtemps aux foudres du net, notamment pour ce qui relève de l'assistance rapatriement. Les assurés insatisfaits peuvent porter leur courroux sur la place publique, en l'occurrence les médias sociaux », observe Nicole Pochat, directrice marketing et communication. En réaction, l'opérateur se donne l'opportunité d'ouvrir le dialogue avec eux. Comment gérer l'e-réputation quand on est présent dans 208 pays comme cette filiale de Generali ? Chaque entité fait face aux défis du web 2.0 ; toutefois, les équipes concernées se concertent régulièrement, dans le cadre d'un échange de bons procédés, un maillage plutôt informel.

Au-delà de ce constat, Europ assistance a adopté une démarche de gestion de l'e-réputation plutôt tactique pour l'instant. Deux collaborateurs sont chargés de réagir aux éventuelles mises en cause relevées sur le net, après validation des experts internes. Du reste, l'assisteur, dont la filiale nord-américaine propose un service d'assistance en cas d'usurpation d'identité, travaille régulièrement avec moult partenaires et peut être indirectement mis en cause. Dans ce cas, il peut s'associer à chacun d'eux pour réagir.

Enfin, chez les distributeurs, Solly Azar se positionne sur l'e-réputation partant du constat selon lequel « internet est devenu un média de prescription à part entière. La parole du courtier ne suffit plus. Il faut réagir avec les outils appropriés », explique Fanny Gilbert, directrice adjointe communication externe et marketing opérationnel. Fort de ce constat, le grossiste a conduit un état des lieux relatif à sa réputation sur le web 2.0. De cet audit qualitatif et quantitatif, il a identifié trois axes de travail à prendre en compte : une meilleure compréhension des procédures de remboursement jugées parfois longues du fait pourtant de dossiers clients souvent incomplets ; sur ce point, le courtier en a profité pour élaborer et publier sur son portail des fiches pratiques expliquant les pièces à fournir systématiquement. Par rapport aux clauses contractuelles estimées indigestes sur le web, Solly Azar s'est engagé dans un projet d'éditique avec pour périmètre initial l'auto. En outre, la disponibilité des équipes a été renforcée avec la mise en place d'une boîte e-mail dédiée.

Ces différentes actions devraient permettre au courtier de transformer en positifs les points identifiés comme négatifs. Du reste, il prévoit de se mobiliser davantage en faveur d'une plus grande gestion de sa réputation sur le net. Cela passe également par la sensibilisation de ses équipes.

L'e-réputation fait un "Taba"

On le voit, toutes les familles d'assurance sont sur le pont pour transformer le défi de l'e-réputation en opportunité : avancer vers l'excellence en termes de qualité de prestations de services. Conscients de se battre pour la même cause, certains n'hésitent pas à se réunir, au-delà de la logique concurrentielle. Ainsi sont nés les Taba ou "tweet apéro banque assurance". Ces rencontres informelles entre community managers leur permettent de débattre de leurs préoccupations face à la gestion de l'e-réputation. Un thème sur lequel ils pourraient plancher, par exemple, est l'approche de sensibilisation interne dans les entreprises où travaillent et cohabitent la génération Y et celle de salariés moins jeunes et empiriquement moins rompus aux subtilités du web 2.0. On le sait, les premiers sont plus enclins à s'épancher sur la Toile que les seconds. Doit-on pour autant créer des communautés pédagogiques tenant compte de cette réalité au sein de l'entreprise ?

Au-delà d'une telle interrogation, l'e-réputation constitue une opportunité nouvelle pour certains éditeurs de logiciels. Ami Software s'y positionne. Tout comme Digimind, un de ses concurrents directs. De son côté, JeeMeo propose la solution JeeMeo Fan Box dont la vocation est d'identifier ambassadeurs et détracteurs d'une marque sur le web 2.0. Elle est basée sur une logique d'analyse des échanges sur les réseaux sociaux. Enfin, Dimelo, une plate-forme de pilotage de dialogue sur le net est également exploitée à des fins de gestion de l'e-réputation. Centrées généralement sur le suivi de l'information en ligne, ces solutions se livrent une concurrence sans merci sur un terrain prometteur. D'autres acteurs tirent le débat sur le terrain juridique. C'est le cas de DAS, filiale de Covéa, qui vient de lancer la gamme Protection juridique tranquillité. Sa vocation : protéger contre les risques d'usurpation d'identité et les atteintes liés à l'e-réputation. Toutefois, faut-il le rappeler, cette offre s'adresse avant tout aux particuliers.

Devenue une obligation pour tout assureur qui tient à son image, la gestion de l'e-réputation pousse les uns et les autres vers l'excellence, parfois à leur corps défendant. Certains assurés l'ont compris et cherchent parfois à s'engouffrer dans cette faille pour exiger un traitement particulier. Fin de non-recevoir dans ce cas, répond plus d'un membre du Taba.

Anne Clerval

MACSF

" Nous auscultons la Toile depuis 2004 afin de mettre en évidence la manière dont notre image y est traitée et d'apporter des réponses aux communautés. "

Le premier indice d'e-réputation dans l'assurance

Le 1er indice de e-réputation en assurance, mis place par Molitor Consult et Activis, est bà¢ti sur trois critères, sur une échelle qui va de 0 à 100. Le premier critère est la visibilité de l'assureur, mesuré par sa présence dans les 30 premiers résultats d'une recherche sur un moteur (Google, Ciao...). Ce critère étant pondéré par un deuxième item, la tonalité du message (neutre/positif/négatif) et par un troisième, la crédibilité de la source, selon une formule algorithmique.

20 compagnies - mutuelles d'assurance et santé, bancassureurs et IP - ont été passées au scan. Matmut remporte la palme de la meilleure e-réputation avec un score de 91,37. Le nom des entreprises ayant un score en dessous de la moyenne (50) n'a pas été communiqué.

Nicole Pochat

Europ assistance

" Notre activité nous expose depuis longtemps aux foudres du net, notamment pour ce qui relève de l'assistance rapatriement. "

Dépêches

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

«Marsh France est en croissance de 10 % sur 2024»

Fabrice Domange, à la tête de Marsh France depuis 2016, revient sur une décennie de transformations...

Panorama 2025 des capacités grands risques

À l'occasion des 32 Rencontres de l'Amrae, qui se tiennent à Deauville du 5 au 7 février, retrouvez...

Anticiper l’inattendu, un impératif stratégique

Dans un monde où les crises s’intensifient et se diversifient – des cyberattaques aux catastrophes...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…