Elu "assureur de l'année" par le Club des assureurs, Jacques Richier revient sur l'intégration de Gan Eurocourtage et s'exprime sur la généralisation de la complémentaire santé en répondant notamment aux partisans des accords de branche.
Vous avez été élu assureur de l'année par le Club des assureurs. L'acquisition de Gan Eurocourtage a, semble-t-il, joué en votre faveur...
Il s'agit sans doute d'un élément parmi d'autres. Cette capacité à faire mouvement, qui a été, je crois, récompensée par ce prix, est le fruit des efforts déployés ces dernières années par tous les collaborateurs d'Allianz France dans le cadre de notre plan précédent "Réussir la crise" visant à renforcer la compétitivité et la solidité de notre entreprise. Ce prix est donc aussi celui des 11 000 salariés d'Allianz France.
Est-ce une façon de démontrer que les équipes de la filiale française ont encore la main sur des sujets stratégiques ?
Certainement, puisque le rachat du portefeuille de Gan Eurocourtage a été financé sur les seuls fonds propres d'Allianz France, avec le soutien entier de notre maison mère à Munich. Ce rapprochement a été possible, parce qu'il s'inscrit parfaitement dans notre plan stratégique, qui prévoit, entre autres, de faire d'Allianz France un acteur majeur du risque d'entreprise, branche sur laquelle la réputation des équipes de Gan Eurocourtage n'est plus à faire. Après une phase de transformation et de réorganisation, Allianz France est de nouveau en situation de conquête.
L'intégration est encore en cours. Quel est le calendrier à venir ?
L'objectif est de terminer l'intégration d'ici fin juin. Nous disposerons, au 1er juillet, d'une structure unique, Allianz courtage, qui réunira toutes les équipes en contact avec les courtiers. Nous aurons aussi une seule et même gamme de produits, une comptabilité et des traités de réassurance communs. Nous serons totalement opérationnels en septembre pour le début des discussions sur les renouvellements de janvier 2014.
Certains apporteurs s'interrogent sur vos ambitions dans le domaine de l'affinitaire où Gan Eurocourtage était très présent. Etes-vous réfractaire à ces produits ?
Je crois à l'assurance affinitaire si elle est profitable. Certaines affaires ont des ratios de S/P bien trop élevés pour qu'une compagnie accepte raisonnablement d'engager ses fonds propres. C'est un sujet important pour Allianz courtage sur lequel nous pourrons demander à certains apporteurs de revoir leurs méthodes de travail. Mais je peux vous affirmer qu'il y aura bien des produits d'assurance affinitaire dans notre future gamme unique.
Au-delà de l'acquisition de Gan Eurocourtage, quel bilan tirez-vous de l'exercice 2012 ?
Il s'agit d'un bon exercice, en phase avec les performances mondiales du groupe. Notre résultat opérationnel est stable à 770 M€, et notre chiffre d'affaires s'établit à 11,5 Md€, en croissance de 4,5 %. En Iard, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de plus de 3,5 Md€ - hors santé -, soit une progression de 6,6 %, en comptant l'intégration de Gan Eurocourtage sur le dernier trimestre 2012. Autre sujet de satisfaction, l'amélioration de notre ratio combiné qui est passé de 97,9 à 96,9 %, ou notre résultat opérationnel qui s'élève à 410 M€ contre 370 M€ en 2011. Le seul bémol de l'exercice porte sur les résultats techniques de la branche habitation qui ont continué à se dégrader. Nous avons commencé un grand chantier sur la question, rendu visible par le lancement d'une nouvelle offre modulaire en septembre dernier.
Plusieurs de vos agents considèrent que la modularité à tous crins rend plus difficile la vente. Que leur répondez-vous ?
La modularité présente l'avantage d'affiner au mieux la tarification et de proposer des contrats adaptés au plus près des besoins réels des clients. Notre réussite sur la branche auto, avec le lancement de notre produit modulaire, en témoigne. Nous devons nous inspirer du travail effectué sur la tarification du produit auto pour le décliner à l'habitation en développant, par exemple, davantage de zoniers. Bien mise à profit, la modularité devrait contribuer à améliorer nos résultats en habitation en 2013. L'idée n'est pas d'ajouter de la complexité, mais bien de rendre le produit plus souple et plus riche en termes d'options. Le monde change, et les attentes des consommateurs évoluent : prix ou conseil, autogestion ou accompagnement... La modularité est un atout considérable pour les agents, dans la mesure où elle fait jouer à plein leur rôle de conseil vis-à-vis des clients.
Comment se sont comportées vos activités vie, santé et prévoyance en 2012 ?
Sur ces branches, l'acquisition de Gan Eurocourtage n'a pas eu d'impact. Au global, nous avons dégagé un chiffre d'affaires de 8 Md€, dont 5,5 Md€ en assurance vie (+ 4 %) et 2,5 Md€ en santé/prévoyance (+ 2,5 %). Pour autant, l'activité vie a été contrastée selon les canaux de distribution avec une baisse de 16,5 % dans le réseau agents et de 11,5 % dans le canal courtage et CGPI. En revanche, le réseau Allianz finance conseil (AFC) a progressé de 2 %. Quant à celui des partenariats, il a enregistré une forte hausse, de 38 %. Au global, notre collecte a été légèrement positive avec des taux de rachat qui ont baissé en 2012. Cela montre que notre positionnement sur la clientèle haut de gamme, qui reste attachée à l'assurance vie, est un bon choix.
Vos concurrents s'orientent résolument sur les unités de compte. Quelle est la stratégie d'Allianz ?
Allianz est positionné sur les UC depuis un certain temps. En 2012, le taux moyen de collecte en UC était de 22 %, avec un taux moins fort chez les agents généraux que dans le réseau AFC. Aujourd'hui, je considère que nous devons aller plus loin en matière d'UC. Ce qui compte, c'est de faire évoluer les UC dans un environnement économique très volatil. Notre stratégie consiste à renforcer la gestion sous mandat à destination, notamment, de la clientèle patrimoniale. Nous nous appuyons pour cela sur les compétences d'Allianz banque.
Quelle est votre réaction suite au jugement du Conseil d'Etat dans l'affaire qui vous oppose à IGPM concernant la gestion du régime santé/prévoyance des cadres de la branche de la pharmacie d'officine ?
Nous ne sommes pas vraiment surpris. Le Conseil d'Etat a jugé que l'éviction de ce marché ne constituait pas une atteinte suffisamment forte aux intérêts d'Allianz et de ses assurés pour qu'une annulation en urgence de l'arrêté d'extension se justifie. Avec l'accès à de nouvelles pièces du dossier, cette requête nous permet, en revanche, de poursuivre nos actions, et renforce notamment notre procédure en intervention volontaire, liée à l'action en appel de la CFDT.
Que pensez-vous du projet de loi de transposition de l'accord national interprofessionnel ?
Jusqu'au 11 janvier, tout allait bien. La place a été laissée aux partenaires sociaux pour dialoguer, et l'accord issu de cet échange a essayé de mettre de la transparence là où il existe aujourd'hui une certaine opacité, une bonne chose pour le libre jeu de la concurrence. Or, le texte actuellement en discussion au Parlement réintroduit - sous la pression de non-signataires - de l'opacité et, d'une certaine façon, la légalise.
Ce sont les accords de branche que vous critiquez ?
Non, je ne critique pas les accords de branche, mais leurs conditions d'application. Pour être très clair, je dénonce les clauses de désignation qui sont le plus souvent en faveur des seules institutions de prévoyance. Chacun sait que les organisations patronales et syndicales sont des deux côtés de la table des négociations. Certains disent que les clauses de désignation par branche permettent une plus grande mutualisation. Je remarque qu'aucun assureur que je qualifierais de sérieux n'a tenu ces propos. Le fondement d'une bonne mutualisation, c'est la diversité. Si l'on parle de mutualisation, c'est interbranche qu'elle doit s'effectuer, et non pas intrabranche.
Quel impact va avoir ce texte sur votre stratégie en santé individuelle ?
Ce texte va forcément toucher d'une manière ou d'une autre notre activité, comme tous les assureurs de la place. Cela étant, l'éventualité que la loi fasse basculer une partie de l'activité individuelle vers les collectives nous conforte dans notre stratégie orientée prioritairement vers les TNS et les seniors, c'est-à-dire ceux qui ne seront pas concernés par la généralisation de la couverture santé. Ils constituent déjà les deux tiers de notre portefeuille en santé individuelle, qui a enregistré un chiffre d'affaires de 655 M€ en 2012. L'impact de cette mesure sera donc limité pour nous. Tout l'enjeu sera d'équiper les entreprises de moins de 20 salariés. Pour cela, nous pouvons capitaliser sur la proximité et la compétence de nos réseaux de distribution, en particulier les agents généraux et le réseau Allianz prévoyance santé (APS).