« En construction, l'actuelle politique d’Axa France m'exaspère »

Publié le 22 janvier 2015 à 8h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h35

Thierry Gouby


A la tête de Réussir, le syndicat desagents Axa, depuis plus d’un an, Pascal Chapelon fait le point sur lesrelations entre la compagnie et ses agents généraux, sur les difficultés maisaussi sur les grands chantiers à venir pour 2015.

En quoi la digitalisation d’Axa Francevous touche-t-elle ?

Si nous manquonsde lisibilité sur la stratégie d’Axa à déployer de nouveaux outils digitaux, noussommes convaincus que la présence sur le web est nécessaire. Il faut bien répondreà l’exigence de nos clients, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit !Pour fluidifier encore la relation, nous travaillons à la mise en place d’uneplate-forme de relais client, une hypothèse de travail, au même titre que lamise en place d’un espace client sur les sites internet des agences qui nouspermettent de faire des actes de gestion en dehors des heures traditionnelles.

Ce qui inquiète mesconfrères agents généraux, c’est que la relation clients leur échappe et queles compagnies essaient de travailler seules avec nos assurés. Aujourd’hui, nousavons démontré que sur les contrats issus d’une relation internet, nousarrivons d’une part à multiéquiper nos clients, mais surtout à les garder. Et c’estce qui est important, des clients à qui l’on va proposer une relation dans letemps. Sur ce point-là, Axa France s’est aperçu que le digital sans les agentsgénéraux serait difficile. C’est une des raisons pour laquelle nous avons signéun accord très important lors de notre dernier congrès à La Baule, qui engageAxa France, à travers la signature de Nicolas Moreau, son président, sur lepositionnement de l’agent général dans le déploiement de tout le dispositifdigital. Cet accord nous donne la priorité sur la relation clients issu du net.

Que pensez-vous du départ de Jacques dePeretti et de l’arrivée de Matthieu Bébéar au poste de DG adjoint d’Axa PP pourle remplacer ?

J’ai côtoyéJacques de Peretti à la commission "entreprise" de Réussir il y aquelques années. Il a proposé des choses intéressantes, notamment lorsqu’ilfallait redresser un marché de l’assurance entreprises un peu catastrophique.Nous avons construit ensemble un plan de reconquête qui a plutôt bienfonctionné. Lorsqu’il a pris la tête d’Axa PP (professionnels et particuliers),il a eu une vision très forte du métier d’agent général, ce qui nous a permisde travailler avec lui sans tabou. Même si tous les sujets n’ont pas toujoursabouti, tous ont été débattus. Jacques de Peretti était en poste depuislongtemps donc nous nous attendions à ce qu’il bouge. Matthieu Bébéar a luiaussi une fibre assez marquée pour le métier d’agent général. Il connaît bienle terrain et les agences puisqu’il a été directeur de la région Nord-Est. Ceque l’on attend de lui, c’est qu’il soit dans la même philosophie que sonprédécesseur et qu’il envisage le développement et la croissance d’Axa PP avecles agents généraux. Sur ce point là, je ne suis pas très inquiet.

Quelle est aujourd’hui votre vision dumarché ?

L'Iard est unmarché sur lequel il y a encore du développement à faire, mais à une condition: que l’on accepte des canaux de distribution un peu différents. Il nous fautdifférentes sources d’alimentation de prospects et internet en est uneimportante.

Le marché del’automobile est actuellement difficile, mais il pourra s’améliorer si l’on estcapable de maîtriser le coût du sinistre. Pour la partie « corporel », noussommes toujours à la merci d’évolutions réglementaires, avec des barèmesd’indemnisation qui varient. Pour la partie « matériel », elle peut êtremaîtrisée un peu mieux et pour ce faire nous devons être innovants et nousinspirer d’autres pays.

Concernant laMRH, c’est également difficile compte tenu des événements climatiques. Il vadonc falloir se poser la question de la pérennité des contrats habitation, carsi les cat nat’ deviennent annuelles, il y aura un impact sur le pilotage deces produits. C’est un sujet pour lequel la solution ne se trouvera pasuniquement au sein des compagnies d’assurance, mais aussi auprès des pouvoirspublics et c’est un vrai sujet de préoccupation pour les agents.

Enfin concernantl'activité épargne, notre métier d’agent général est lié au conseil donné auclient en face à face. Je ne vendrai pas des UC si ma compagnie me demande dele faire ; je le ferai si cela correspond au profil de mon client et qu’ilen accepte les conditions.

Quid de la gestion de sinistre pour lesagents ?

Si l’on estcapable de travailler sur la maîtrise des coûts, ce n’est plus tellement unsujet de savoir qui gère le sinistre. La question est « combien coûte lesinistre ? ». Le réseau Axa est l’un des derniers où plus de 60% desagents gèrent eux-mêmes les sinistres. D’autres assureurs, à l’image d’Allianzou de MMA, ont déjà basculé vers des plates-formes de gestion externalisées. Certes,nous avons l’image d’un dinosaure en voulant conserver notre gestion sinistre,mais si la relation sinistre est bien faite au niveau de l’agence, c’est uneénorme opportunité commerciale. Pour moi, régler un sinistre est un actecommercial et cela doit permettre à l’agent général de rebondir sur sa valeurajoutée. Si l’on amène un jour les agents généraux à parler de la transparencede leur rémunération, il va bien falloir que j’explique qu’elle est la valeurajoutée de mon service. Pour moi, la gestion de sinistre en est une.

Maintenant, lavraie question à se poser est de savoir si la totalité des actes que je fais àl’agence sont tous indispensables ? Est-ce que, dans certains cas, il ne seraitpas possible d’externaliser la gestion d’un sinistre bris de glace par exemple? Nous avons déjà mis en place un outil dédié, mais je le trouve insuffisant entermes de modularité. Je dois pouvoir déléguer un certain nombre d’actes dansla gestion de sinistre, mais à une condition : si le dossier se passe mal, jedois pouvoir reprendre la main à tout moment.

Où en est aujourd’hui l’activité bancairedes agents ?

Le faitaujourd’hui de se doter d’outils bancaires permettant d’augmenter la fidélitédu client est indiscutable. Un client bancaire a une fidélité beaucoup plusgrande qu’un client non équipé en banque. C’est un constat. En auto, il estclair aujourd’hui qu’assurer un client doit permettre de financer l’achat deson véhicule. Les banquiers sont venus un peu nous chercher sur ce marché,pourquoi ne pas leur rendre la pareille ?

Toutefois, jen’ai pas d’état d’âme sur le modèle assurbanque. Il faut être pragmatique et enfaire le bilan économique : je ne suis pas persuadé qu’on soit capable de fairefaire de la banque à tous les collaborateurs d’agence qui ne vendent que del’assurance depuis des années. La banque est un métier différent. En ce qui meconcerne, j’ai fait le choix d’y aller en 2011. La première chose que j’ai faite,c’est de recruter un banquier qui a déployé la méthode, les obligationsréglementaires et la façon de travailler avec un client bancaire à l’agence. Sion veut prendre la banque comme une spécialisation il faut prendre des gens spécialisés.

Y-a-t-il encore des frictions avec Axa ?

Aujourd’hui, cequi ne me satisfait pas, c’est la capacité d’Axa France à considérer quel’agent général n’est pas un professionnel indépendant. C’est un sujet quim’irrite. A l’heure actuelle, je ne suis pas franchisé, je ne suis pas unsalarié déguisé. Je suis chef d’entreprise, à la tête d’une société danslaquelle j’ai parfois la nécessité de choix stratégiques qui ne sont pasforcément ceux qu’Axa aimerait faire. J’ai aussi un compte d’exploitation etdes frais généraux et il faut qu’à un moment donné la compagnie puisseconsidérer qu’un agent a ses propres projets. Nous y travaillons avec lacompagnie et sur ce sujet, nous ne lâcherons pas.

Ce quim’exaspère également c’est le comportement d’Axa France sur l’assuranceconstruction. La compagnie est prise de folie sur ce marché avec desmajorations relativement importantes pour ce mois de janvier et une politiquede souscription qui est devenue complètement délirante sur certainesprofessions identifiées comme « sinistrogène ». Cela devienttroublant. Un certain nombre de confrères exposés sur ce sujet risquent de pâtirde la situation. Entre disparitions d’entreprises et dépôts de bilan qui s’accélèrent,si l’on peut comprendre la frilosité des assureurs sur ce segment, on ne peutpas imaginer quand on s’appelle Axa mettre des grands coups de volant à droite,puis à gauche et du jour au lendemain révolutionner la politique construction,alors que c’est un marché de branches longues. La compagnie met surtout enpéril les artisans du bâtiment qui représentent un grand nombre de clientspotentiels dans le portefeuille des agents généraux. On ne peut pas se priverde ces clients-là, c’est impossible.

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