Les assureurs font les yeux doux aux artisans, commerçants et dirigeants de TPE qui voient dans leurs multirisques professionnelles un outil de pérennisation de leur activité. Pour les séduire, packages, formules dédiées et services associés se multiplient.
Journaliste
Le marché pesait 1,7 Md€ en 2015 (+2,5 %), en croissance depuis neuf ans consécutifs. Logique que les assureurs voient dans la multirisques professionnelle un relai de croissance pérenne. « C’est un risque qui plaît aux assureurs car il est simple à souscrire et économique au niveau de la gestion », souligne Patrick Ginet, PDG de Ginet courtage d’assurances.
Pour séduire artisans, commerçants, professions libérales ou dirigeants de TPE, la tendance est à la segmentation des offres pour coller au plus près des besoins de chaque profession. Car la couverture dommages d’un boulanger qui renouvelle son four à pain après une quinzaine d’années ne peut être la même que celle d’une petite société de services informatiques qui investit beaucoup plus régulièrement dans du matériel rapidement obsolète. De la même façon, la perte d’exploitation d’un fleuriste prend en compte les périodes de pics de ventes à Noël, pour la Saint-Valentin ou à la Toussaint, alors que les infirmières ou sages-femmes libérales ont avant tout besoin d’une couverture RC médicale bien ficelée.
Des offres très marketées
Ainsi, grâce à une analyse de plus en plus poussée des données et sinistres par métiers, les compagnies développent garanties et tarifications sur mesure. Avec les packages et les formules spéciales, les professionnels n’ont qu’à se laisser guider.
En présentant des offres très marketées, Axa, leader du segment avec 17 % de parts de marché et 300 M€ de chiffre d’affaires, simplifie le processus de vente de ses agents. « Nous avons identifié 150 professions, et avons déjà développé 70 formules spéciales. Nous en lançons cinq en moyenne par an. La dernière concerne les poissonneries », explique Guillaume Gorge, direction offre et politique techniques IARD d’Axa particuliers/professionnels.
Au-delà des garanties traditionnelles RC et dommages, les acteurs tentent de se démarquer en incluant dans leurs contrats garanties d’assistance et protection juridique. « Aujourd’hui, les assureurs proposent des services maximum. En cas de sinistre, l’assuré est accompagné de A à Z, observe Patrick Ginet. La réparation en nature est un service qui plaît beaucoup. Plutôt qu’un chèque, un commerçant préfère que l’on intervienne afin de remettre au plus vite son commerce en état ». Télésurveillance des locaux, assistance psychologique, garde d’enfants, avance de fonds, gestion de l’e-réputation… les assureurs sont au plus près de leurs clients avant, pendant et après le sinistre. 83 % des contrats intègrent également une protection juridique pouvant aller, comme c’est le cas chez Generali, jusqu’à une prise en charge en cas de contrôle Urssaf ou fiscal.
Quelle place pour le conseil ?
Si le courtage représente 14 % de la distribution sur le marché de la multirisques professionnelle, ce sont les agents qui demeurent la principale porte d’entrée (58 % des souscriptions du marché). « Les agents sont des professionnels qui comprennent les spécificités et les besoins de ces clients, et peuvent donc les accompagner en leur apportant des conseils pertinents », estime Guillaume Gorge.
Mais dans un environnement assurantiel ultra packagé, reste-t-il encore une place pour le conseil des intermédiaires ? « Les commerces ne sont pas tous équivalents. Ils ont chacun des spécificités à prendre en compte, et il convient de poser les bonnes questions pour proposer les garanties adéquates, estime Patrick Ginet. Or, on a parfois du mal à faire accepter des garanties spécifiques aux assureurs. » Chez Sada assurances, 42 packs personnalisés ont été pensés pour couvrir notamment les activités à haut potentiel comme les commerces de e-cigarettes et les parapharmacies, mais aussi plus traditionnelles comme le pack « fruits, primeurs et légumes ». Au-delà des formules « standard » et « confort », les 500 courtiers partenaires de Sada assurances travaillant sur cette clientèle peuvent proposer des garanties « à la carte » pour coller aux spécificités de leurs clients. « On permet ainsi aux courtiers de personnaliser nos offres », relève Stéphane Gaillac, responsable du service marketing produit chez Sada assurances. De même, au-delà des formules, Axa a mis en place une offre « à la carte » couvrant 350 codes d’activité pour permettre aux agents de mettre en place des couvertures sur mesure. De son côté, Solly Azar, habitué aux segments de niche, propose à son réseau de partenaires de coller aux singularités des tatoueurs, bars à chicha, food trucks ou boutiques de rachat d’or à partir de trois formules « RC+ », « Pro 30 » et « Pro 50 ».
Fiches métiers
Pour optimiser la commercialisation de leurs offres, les assureurs et courtiers grossistes ont investi pour mettre à disposition des intermédiaires des outils extranet facilitant la souscription ainsi que des applications de tarification. « Nous proposons des fiches spécifiques métier pour aider le courtier à aborder un prospect travaillant dans un secteur qu’il ne maîtrise pas forcément », note Stéphane Gaillac. « Le courtier dispose aujourd’hui d’un process qui le guide et l’accompagne à chaque étape », confirme Patrick Ginet. Ils peuvent ainsi développer leur portefeuille en se lançant plus facilement dans de nouvelles activités. D’autant que la multirisques professionnelle est un produit d’attaque. En effet, une fois le professionnel acquis en multirisques, la relation de confiance et de proximité tissée et la capacité de l’intermédiaire à identifier les besoins de son client permettent ensuite de le multi-équiper en auto, santé, RC homme clé et surtout en prévoyance. Contrairement à la plate-forme Plussimple.fr nouvellement lancée (lire le témoignage), Axa ne mise pas sur le 100 % dématérialisé mais voit plutôt le Web comme un levier pour apporter aux agents des prospects professionnels qualifiés.
« À travers le digital, les clients et prospects obtiennent en ligne toute l’information nécessaire, ainsi qu’une première estimation du tarif à partir de trois questions posées, explique Guillaume Gorge. Ensuite, l’agent va plus loin dans une logique de souscription et de conseil. Il explique notamment les risques de perte d’exploitation ou d’e-réputation, souvent mal connus, et définissent avec les assurés la couverture adéquate avec les bons niveaux de capitaux en fonction de l’activité du client. »
Cibler l’auto-entrepreneur
Pour continuer à se développer sur ce marché de plus en plus couru, notamment par les bancasseurs (lire 3 questions), le secteur continue de cibler de nouvelles professions et créateurs d’entreprise. C’est ainsi qu’Axa a développé un « Kit essentiel » qui, pour une cotisation annuelle de 350 €, propose les garanties de base permettant d’accompagner les entreprises en création qui ne voient l’assurance que comme un permis pour pouvoir opérer.
Les auto-entrepreneurs sont eux aussi dans le viseur des assureurs spécialistes de la multirisques professionnelle. Ils frôlent le million dans des secteurs variés et l’avènement de l’économie collaborative pourrait encore augmenter ce chiffre. « Nous allons lancer une offre dédiée aux différents profils d’auto-entrepreneurs avec une souscription facilitée et un tarif privilégié compris entre 150 et 200 € », indique Guillaume Gorge. Anticiper les évolutions sociétales et leurs conséquences sur l’entreprenariat, s’adapter aux nouveaux besoins des entrepreneurs, capter les clients en ligne tout en leur offrant une relation de proximité… Le marché de la multirisques professionnelle est à l’image de ses clients : contraint de s’adapter aux mutations rapides et incessantes du monde économique.
Chiffre clés
Source : Profideo – Les Dossiers de l’épargne