A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, les organisations professionnelles font passer leurs derniers messages aux candidats.
Un mot, et les portes se ferment. Le lobbying, pourtant pratiqué ardemment, n'est pas assumé ouvertement. De fait, les professionnels rechignent à s'exprimer sur cette activité essentielle à la défense des intérêts du secteur. Le Ctip, qui se positionne comme « l'interlocuteur pour les questions techniques », jure « ne pas intervenir dans le champ politique, laissant les partenaires sociaux mener leurs propres actions de lobbying ».
Quant au Gema, s'il reconnaît certains contacts, il réfute l'approche systématique des partis politiques. « Si la question est : avez-vous contacté les candidats à la présidentielle ? La réponse est non », indique Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général du groupement mutualiste. Qui ajoute : « En revanche, nous répondons à toutes les sollicitations. Ainsi, à chaque fois que le président, Gérard Andreck, est sollicité, il répond bien volontiers pour expliquer les positions du Gema. »
Un travail de l'ombre au quotidien
Du côté des courtiers, la CSCA travaille son lobbying avec l'agence Les Rois mages depuis trois ans. Toutefois, la chambre n'a pas missionné ses lobbyistes dans le cadre de la présidentielle. Egalement sollicitée, la FFSA n'a pas souhaité nous répondre. Or, la fédération œuvre sans relâche à faire passer ses idées auprès des décideurs politiques. Ce travail a même été structuré à la demande de Bernard Spitz peu de temps après son intronisation en tant que président, en octobre 2008, avec la création d'une direction des affaires parlementaires confiée à Jean-Paul
Laborde. Cet expert des arcanes du pouvoir, et fin connaisseur des sujets techniques, dissèque les projets de loi, prépare les amendements, relaie les positions de la fédération... Il est épaulé pour cela par deux collaboratrices, qui agissent également dans l'ombre. « C'est une belle machine animée par des professionnels de grande qualité, qui connaissent parfaitement leur sujet, déclare Jean-Marc Boyer, ancien délégué général de la FFSA (2005-2008). Parmi les nombreux dossiers que j'ai eus à traiter, le travail de lobbying auprès des politiques et des pouvoirs publics était omniprésent. Je me rappelle notamment avoir évité une taxation de l'assurance vie qui aurait coûté 2 Md€ par an à la profession. »
Parler d'une seule voix
Si le lobbying n'est jamais aussi performant que lorsqu'il est discret, il doit également être porté par l'ensemble d'un secteur. Or, « le lobbying dans l'assurance manque cruellement d'unité professionnelle entre les différentes familles. Je suis convaincu qu'il pourrait être plus efficace », estime Jean-Marc Boyer, avant de nuancer : « Néanmoins, la FFSA se positionne parmi les lobbyistes les plus dynamiques et le plus souvent audités par les différentes commissions. » D'après l'enquête menée l'année dernière par les ONG Transparence international France et Regards citoyens, la FFSA arrive en effet en tête des organismes consultés par les députés, loin devant les entreprises du médicament et la fédération bancaire ! Il faut dire que l'équipe de lobbyistes passe le plus clair de son temps à arpenter les couloirs du Sénat et de l'Assemblée nationale à la rencontre des parlementaires. Et la fin de la législature, le 6 mars dernier, ne les a pas mis au chômage technique. Bien au contraire ! Alors que les candidats à l'élection présidentielle multiplient les meetings et les effets de manche pour séduire l'électorat, les lobbyistes enchaînent les rendez-vous pour porter la bonne parole, même si « le gros du travail a été effectué bien en amont des échéances », selon un membre de l'Association française des conseils en lobbying (AFCL).
Mais certains profitent du dernier tour de piste pour interpeller les prétendants à la fonction suprême. C'est le cas de l'Afer et de la Faider, qui sont montées récemment au créneau pour défendre respectivement le statut juridique de l'assurance vie et soumettre une charte sur les droits des épargnants.
Les représentants de la Mutualité française battent également le pavé, notamment en région (lire ci-contre). D'ailleurs, le succès de la pétition de la FNMF contre l'augmentation de la taxation des contrats santé témoigne de la forte mobilisation du réseau. Tandis que la mutualité récoltait plus d'un million de signataires, l'Unocam brillait par son absence... « Cette structure n'a pas été mise en place pour parler d'une seule voix sur tous les sujets. Elle représente des intérêts différents, du fait même des modalités d'intervention des différents acteurs et du poids de la santé dans leurs activités. Une vision commune sur l'ensemble des dossiers n'est donc pas envisageable », corrige Etienne Caniard, président de la FNMF.
En stand-by jusqu'à l'été
Et que dire de l'AFA (Association française de l'assurance), regroupant le Gema et la FFSA ? Son mutisme relève du cas d'école... Les deux maisons préférant faire cavalier seul sur des sujets de marché, comme la labellisation des contrats dépendance. Un dossier qui reviendra rapidement sur la table, comme d'autres.
Car si une année électorale constitue un point d'orgue pour le travail de lobbying des assureurs, le secteur, hyper réglementé, est contraint de ronger son frein durant les près de quatre mois d'arrêt des travaux du Parlement. Ainsi, les chantiers ouverts par la dernière législature, et toujours en suspens, sont légion (lire aussi p. 26). Pour avancer, les assureurs devront donc nécessairement attendre l'ouverture de la nouvelle session parlementaire, programmée fin juin. Au final, et plus encore que de faire passer ses messages aux candidats, la profession a hâte de savoir à quelle sauce réglementaire et législative elle sera mangée par les futurs élus.