Les sujets d'inquiétude ne manquent pas pour la profession en ce début d'année : taxe sur les transactions financières, instauration d'une TVA sociale, dégradation de notation en cascade...Les assureurs doivent en plus s'adapter à de nouveaux comportements d'épargne, peu favorables à l'assurance vie.
Quel bilan dressez-vous de l'année 2011 ?
L'exercice 2011 a été très perturbé : de la forte volatilité des marchés financiers à la crise des dettes souveraines, en passant par les discussions sur l'avenir de la zone euro... Et à toutes ces difficultés s'ajoute, aujourd'hui, un ralentissement sur le plan économique. Cette situation a mécaniquement influencé les comportements d'épargne des Français, mais également leur besoin de protection. Ainsi, 2011 a été une année de croissance dans le domaine de l'assurance de biens et responsabilité ainsi que de la protection sociale complémentaire.
La fin d'année a toutefois été marquée par une décollecte historique en assurance vie...
Certes, mais cette collecte nette négative trouve ses explications dans de nombreux facteurs conjoncturels. Il est vrai que les assureurs ont été sollicités plus qu'à l'accoutumée dans le versement de prestations sur les quatre derniers mois de l'année et que la collecte brute est en diminution en 2011 par rapport à 2010. En prenant un peu de recul, l'assurance vie a néanmoins fait preuve d'une grande résistance en 2011 : les cotisations brutes s'établissent à environ 125 Md€, la collecte nette est restée largement positive avec plus de 10 Md€, les encours ont progressé en un an d'environ 3 % à plus de 1 370 Md€ et les rendements n'ont subi qu'une baisse modérée. L'assurance vie est donc restée très attractive en 2011 et continue d'être, de loin, l'instrument de placement préféré des Français.
Néanmoins, beaucoup d'épargnants ont préféré investir sur d'autres supports...
Dans l'environnement incertain que nous connaissons, nous constatons en effet de nouveaux comportements en matière d'épargne caractérisés, notamment, par une forme d'aversion à l'endettement. Autrement dit, de plus en plus de Français font le choix de consommer sans s'endetter, voire de se désendetter, en puisant dans leur épargne. D'autres ont préféré investir dans l'immobilier, pour bénéficier du régime Scellier avant qu'il ne disparaisse, ou les livrets bancaires pour profiter d'offres promotionnelles attractives. Certains, enfin, souhaitent conserver une épargne liquide tant que l'incertitude sur les marchés reste forte. Mais, au-delà de ces comportements conjoncturels, le couple rendement/sécurité de l'assurance vie demeure attractif pour les épargnants. Il y a donc tout lieu de penser qu'ils réorienteront leurs liquidités sur l'assurance vie dès que la visibilité se sera améliorée.
Comment s'est comportée la branche dommages ?
Les assurances de biens et de responsabilité se sont bien comportées en 2011 avec une progression globale de 4 % des cotisations sur l'année, contre +1,5 % en 2010. Toutes les lignes sont en croissance, aussi bien sur les risques d'entreprise que sur ceux du particulier. Compte tenu de la sinistralité mieux orientée qu'en 2010 avec moins d'événements naturels majeurs, les résultats techniques sont plus équilibrés et les ratios combinés mieux positionnés.
Y a-t-il des exceptions à cette amélioration globale des résultats techniques en Iard ?
Nous sommes vigilants sur quelques indicateurs. En entreprises par exemple, la fréquence des incendies, et particulièrement les sinistres graves, a augmenté depuis 2010. En construction, la crise a fait stagner le chiffre d'affaires - traditionnellement en croissance - et, compte tenu de l'effet capitalisation, si cette situation perdure, elle amènera un déséquilibre dans la branche. En MRH, on note une reprise forte des cambriolages. On l'avait déjà constaté en 2009, cela s'était stabilisé en 2010. En assurance automobile, nous continuons d'être vigilants sur la hausse des coûts moyens des sinistres aussi bien en corporels qu'en matériels. Globalement, en auto du particulier et en MRH, les ratios combinés devraient s'afficher autour de 100 % ou légèrement au-dessus.
Comment abordez-vous l'année 2012 qui a, par exemple, déjà donné lieu à des propositions relatives à la taxation des transactions financières ?
Si la taxe sur les transactions financières était mise en place en appliquant, uniquement en France, le projet de directive européenne, cela aurait des effets négatifs collatéraux considérables. J'en perçois deux principaux. Alors que beaucoup de transactions financières ne sont pas spéculatives mais résultent seulement de la gestion normale de l'épargne des clients, les taxer reviendrait à renchérir le service rendu aux assurés pour la gestion de leur épargne. De plus, on risquerait de voir la place de Paris désertée par l'industrie de la gestion d'actifs qui pourrait s'installer sur des marchés moins bien régulés que le nôtre.
Et la TVA sociale ? Est-ce un sujet pour la profession ?
Toute hausse de la TVA a des impacts sur l'assurance, notamment dans le domaine de l'assurance dommages du particulier. L'indemnisation en cas de sinistre s'effectue sur la base d'un montant TTC, notamment pour la partie correspondant au coût des réparations. Le renchérissement de celle-ci sur certains produits, augmente d'autant le coût des sinistres et aura donc, in fine, un impact pour les assurés. Ceci est également vrai pour le doublement de la TSCA (taxe spéciale sur les conventions d'assurance) sur les contrats responsables en matière de santé.
Plus globalement, comment voyez-vous l'année 2012 ?
C'est une année qui ne sera pas business as usual du fait des échéances électorales et du contexte de crise économique et financière. Pour la FFSA, 2012 sera placée, encore plus que 2011, sous le signe de la pédagogie. La profession devra en particulier continuer à expliquer à ses interlocuteurs toute l'importance de ne pas déstabiliser les encours de l'assurance vie - qui, je vous le rappelle, représentent 57 % de l'épargne longue en France - en modifiant sa fiscalité de manière inappropriée. De fait, il y a peu à gagner à modifier le régime fiscal de l'assurance vie, mais beaucoup à perdre !
Comptez-vous aussi rappeler le rôle de la profession dans le financement de l'économie ?
Bien entendu ! Il ne faut pas oublier que les sociétés d'assurance sont aujourd'hui parmi les plus importants financeurs de l'économie française. Pour preuve, 56 % des actifs détenus par les assureurs sont investis dans le tissu productif. Cette contribution au développement des entreprises devrait rester stable en 2011 en dépit du contexte économique difficile. Il sera important de rappeler aux pouvoirs publics, le rôle de poumon de l'économie que jouent notre industrie. De plus, les assureurs demeurent les premiers détenteurs domestiques de notre dette souveraine, avec plus de 50 % du total de la dette détenue par les résidents français. Au total, un tiers de la dette française est détenu par les acteurs domestiques. Il s'agit d'un facteur suivi de près par les agences de notation.
Justement, quelles seront les conséquences de la perte du triple A pour le secteur ?
La perte du triple A était déjà intégrée depuis longtemps par les acteurs économiques et financiers lorsqu'elle a été annoncée officiellement. Cette annonce n'aura donc pas d'impact tangible sur les conditions d'exploitation des assureurs ou sur leurs ratios de solvabilité. J'observe d'ailleurs qu'une seule agence de notation sur trois a décidé d'abaisser la note de la France, les autres conservant à notre pays leur note maximale.
Etes-vous en phase avec la réforme du régime Cat nat' envisagée par le gouvernement ?
Oui, globalement le texte qui devrait être déposé au Parlement dans les prochaines semaines nous convient tant dans les modalités d'évolution du régime que sur l'accent mis sur la prévention. Après les événements climatiques majeurs de 2009 et 2010, la profession a beaucoup travaillé sur les pistes d'amélioration du dispositif et, en particulier, sur la prévention. Les modalités retenues dans le projet de réforme, sur le risque sécheresse comme sur la modulation du niveau de primes des grandes entreprises en fonction de la prévention, sont en phase avec les préconisations de la profession. Je salue aussi l'annonce de la création de l'Observatoire des risques naturels, qui fait également suite à une proposition de la profession.
A l'occasion de la dernière conférence de la FFSA sur Solvabilité II, les assureurs français étaient en attente d'ajustements. Où en sont les discussions ?
Pas seulement les assureurs français, mais la grande majorité de l'industrie européenne, et j'en veux pour preuve que nos demandes d'ajustement ont été l'objet d'un communiqué signé par 75 % du marché européen. Ces demandes, qui visent à limiter la volatilité des exigences de capital, sont toujours en cours de discussion à Bruxelles. En ce qui concerne la mise en place de Solvabilité II, le premier semestre de l'année 2011 a été particulièrement fructueux avec des évolutions importantes, notamment sur les sujets des fonds propres éligibles et du calibrage des risques longs.
L'année 2012 s'annonce tout aussi chargée...
En effet, l'année 2012 devrait également être riche sur ce sujet avec, dans un premier temps, l'adoption de la directive Omnibus 2, prévue à ce jour pour le premier semestre. L'exercice 2012 sera aussi marqué par la finalisation des mesures d'application, la publication par l'Eiopa - l'autorité européenne des assurances - des normes techniques d'exécution et enfin la transposition en droit français de la directive cadre qui doit avoir lieu avant le 1er janvier 2013.
Quelle est votre réaction sur la mission du CCSF en matière de multi-assurance ?
Les travaux avec le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur ce sujet avancent bien. Au-delà de cette mission, l'année 2012 sera riche en sujets concernant la relation clients et la protection du consommateur avec, à l'échelle européenne, d'importants travaux sur les directives MIF, intermédiation et Prip's et de nombreuses autres initiatives en France. Il faut faire attention à ce que toutes ces démarches soient cohérentes et que l'on ne génère pas un empilement désordonné de mesures nouvelles sans avoir préalablement bien analysé l'existant.