(AOF) - Mardi matin, Thales a présenté de solides résultats au titre de son exercice 2024. Dans la foulée, son titre a enregistré une deuxième séance consécutive dans le vert grâce à sa performance annuelle et à la perspective d'une forte augmentation des dépenses militaires. L'action a enregistré mardi un nouveau plus haut historique à 242,40 euros. Pour AOF, son directeur général, finance et systèmes d'information Pascal Bouchiat s'est exprimé notamment sur les objectifs 2025.
Après les bons résultats 2024 de Thales, le titre bondit de plus de 70% depuis le 1er janvier. Comment l'expliquez-vous ?
Pascal Bouchiat : La valorisation de l'action Thales en 2024 était inférieure, selon moi, à ce qu'elle aurait dû être. Il y a sûrement un petit effet de rattrapage sur le début de l'année 2025.
Deuxième point, le contexte géopolitique constitue un facteur de soutien au titre. Nous l'avons constaté la semaine dernière avec les déclarations de Donald Trump et le fait que les Européens se mettent à accélérer en termes d'industrie de défense. S'il y a plus de commandes de défense en Europe, les opportunités seront plus nombreuses pour Thales à la fois sur le moyen et sur le long terme.
La troisième raison s'explique par les excellents résultats 2024 du groupe que ce soit sur le plan commercial, industriel, de la rentabilité, et de la génération du cash flow. Tous ces indicateurs sont au-dessus de ce qui était attendu par les marchés. Logiquement, le titre a bien réagi.
Je pense que l'action est revenue sur des niveaux de valorisation qui semblent aujourd'hui plus acceptables, étant donné le potentiel de Thales.
Le président américain a appelé les alliés européens à augmenter leurs dépenses de défense jusqu'à 5% du PIB, bien qu'aucun membre de l'OTAN ne soit actuellement proche de ce seuil. De son côté, Emmanuel Macron a indiqué être favorable à un renforcement de la défense européenne commune et des budgets militaires. Selon lui, les Européens doivent porter ainsi leur effort de défense autour de 3% à 3,5% de leur produit intérieur brut, contre 2%. Quelle est la position de Thales sur ce sujet ?
PB : Nous avons également écouté avec beaucoup d'attention les propos du Premier Ministre anglais qui souhaite que le Royaume-Uni passe à des dépenses de défense représentant 2,5% de son PIB en 2027.
De même, le président Macron s'est exprimé sur une augmentation forte des budgets de défense européens.
Évidemment, il faudra que ces annonces soient suivies d'effet et donc d'augmentation de commandes.
Le fait de passer de 2% de dépenses de défense par rapport au PIB à 3%, représente une augmentation de 50%, ce qui est colossal. Cet effort est la traduction de la situation actuelle sur le plan géopolitique. Sa mise en œuvre, via des mécanismes de financement que les Etats devront trouver, prendra sûrement un petit peu de temps. La hausse des capacités de production et du chiffre d'affaires se fera graduellement sur les prochaines années.
Le plus important pour nous est de savoir comment les Etats vont élaborer les modes de financement permettant ces augmentations qui seront très significatives. Il s'agit de la première des priorités.
Concernant ses perspectives pour 2025, Thales anticipe des investissements supérieurs à 700 millions d'euros pour soutenir la croissance, notamment dans le secteur de la défense. Comment sera alloué ce montant ?
PB: Il s'agit d'investissements opérationnels centrés sur des moyens de production, des systèmes d'informations et d'automatisation de notre activité industrielle permettant de produire plus et plus vite. Ils vont également nous permettre d'investir dans de nouvelles infrastructures qui vont accueillir plus d'ingénieurs.
Thales vise aussi pour 2025 une marge d'Ebit ajusté entre 12,2% et 12,4%, en amélioration de 40 à 60 points de base. Comment comptez-vous l'atteindre ?
PB : Quand vous analysez nos résultats 2024, vous constatez que chacune de nos activités affiche un très bon niveau de performance, à l'exception du spatial qui enregistre une perte opérationnelle. Un "driver" important sera le début du redressement de la rentabilité de cette activité spatiale. L'objectif est que sa rentabilité opérationnelle avant charge de restructuration devienne positive en 2025. C'est le premier driver.
Le deuxième, c'est la finalisation des intégrations de nos deux dernières grandes acquisitions : l'une dans le domaine du cyber (Imperva) et l'autre dans l'aéronautique (Cobham Aerospace Communications). Nous devrions bénéficier du plein effet de ces intégrations avec la montée en puissance des synergies associées à ces acquisitions.
Enfin, troisième point, notre rentabilité profitera de l'effet de levier associé à la croissance du chiffre d'affaires. Autrement dit, l'augmentation de notre chiffre d'affaires va permettre d'amortir nos coûts. Nous devons donc nous s'assurer que nos couts de structures, nos couts indirects progressent moins vite que le chiffre d'affaires.
Avant la présentation des résultats annuels 2024, Thales avait détaillé son plan stratégique en novembre dernier. Le groupe veut renforcer son portefeuille "avec des acquisitions ciblées qui répondent à des exigences commerciales et financières élevées ". Quels types d'acquisitions envisagez-vous et dans quels domaines ?
PB : Nous envisageons des acquisitions dans l'une de nos activités actuelles. Nous ne comptons pas nous développer dans de nouveaux business.
Deuxième point, ces acquisitions doivent répondent à nos critères : renforcer l'une de nos activités sur le plan technologique (apporter une nouvelle technologie dans un business existant), sur le plan géographique (prendre une place plus importante dans un pays dans lequel nous souhaitons nous développer). Par ailleurs, le risque en terme d'intégration doit être faible.
Troisième critère, la valorisation de l'acquisition doit nous sembler acceptable, eu égard bien évidemment à la qualité de l'actif. Ce critère est toujours important dans l'anticipation de création de valeur.
Propos recueillis par Richard Sengmany